Journal Macabre d'Edith Holden



L’homme lui avait dit qu’en partant tôt, avec une simple chandelle, elle aurait assez de feu pour se rendre jusqu’à cet endroit de River Thames où l’on oublie jusqu’à l’existence de Londres. Il avait ajouté que si ses pieds étaient agiles elle parcourrait sans peine les quelques miles qui la séparaient de cette Babylone.

Il est facile de voir les débuts des évènements, et plus difficile d’en croire les extrémités.

Je me souviens maintenant avec une clarté gênante, qui contrit encore mon dos et mon cou, de la nonchalance avec laquelle je les quittais, elle et la maison, ce matin là. Bien sûr, cela aurait pu se passer dans une autre ville, si les circonstances avaient été différentes et le temps plus prévisible.

Aujourd’hui, il est assez tard dans la nuit et je veille. Je sais maintenant que tout le monde ou presque se pose les mêmes questions que moi, ou quelque chose comme ça. De toute façon, tôt ou tard tous se les poseront. Peu importe ce qu’elle était en train de faire, peu importe la banalité de cette tragédie. Tous les chiffres et toutes les preuves du contraire n’y changeront rien, ce qui est advenu d’elle, ne pouvait en aucun cas être arrivé à personne auparavant.

Cette première nuit, alors que j’ouvre ma fenêtre pour regarder l’horizon, l’obscurité est totale. Tout les jours qui suivront, je ne pourrais plus voir de cette fenêtre qu’un déluge de pluie et le flot des déchets que charrie la Tamise.

Rétrospectivement, il me semble que je savais, que j’avais toujours su. Le jour même, n’ai-je pas traversé le pont heureux comme un homme qui sait qu’il est venu trop tard.
Mais peut-être est-ce ainsi que nous avançons.

Il est curieux de voir comment quelques jours peuvent devenir des ans avec cette facilité trompeuse avec laquelle la pluie acide de la ville érode les sculptures.

A.

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