Âme en peine


La lumière artificielle des réverbères a cette capacité de rendre la ville plus inquiétante, notamment dans les ruelles. À plus forte raison quand cette lumière peine à les éclairer, d'où leur lugubre réputation de lieux aux multiples drames. 

Ces ruelles, on les remarquait à peine le jour. La foule grouillante se mouvait toujours dans les mêmes directions, dans les mêmes rues commerçantes ou touristiques, jour après jour. Mais ces ruelles demeuraient vides, et les rares habitants pressaient le pas pour se réfugier chez eux, ne s'attardaient pas quand la nuit tombait.

La lumière vacillante semblait faire mouvoir les ombres. Un silence pensant régnait en maître, aucun pas ne résonnait sur les pavés de la ville.  Il n'y avait pas âme qui vive.

Personne ne pouvait donc voir ce qui se passait dans les ruelles à la nuit tombée.

Les ombres bougeaient. De manière imperceptible d'abord, puis les mouvements devenaient frénétiques. Elles tremblaient, formes indistinctes, pour finalement s'extirper des murs et des pavés et prendre vie, ou un simulacre de vie.

Chaque ruelle abritait son lot d'ombres, et elles semblaient ne pas se voir entre elles. Certaines demeuraient immobiles, d'autres faisaient les mêmes allées et venues.

L'une d'entre elles se distinguait des autres, de par sa solitude dans la ruelle qui l'avait engendrée. Elle faisait face à une impasse. Elle ne tremblait pas, et un visage d'un blanc laiteux ornait une frêle silhouette. Elle errait d'un pas mal assurée, condamnée à demeurer prisonnière de la ruelle. Parfois elle tendait ses bras décharnés et levait les mains vers la lumière terne d'un réverbère.

L'aube approchait. Les réverbères s'éteignirent et les ombres disparurent subitement. Sauf elle.

Elle se laissa tomber devant une porte massive, et se recroquevilla comme pour s'endormir. Ses yeux se fermèrent. Et elle s'évanouit doucement.

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