Sanctuaire
Elles étaient apparues un matin, et lui, bien plus tard.
Un épais manteau de brume recouvrait la ville ce jour-là, ainsi qu'un silence pesant et insolite. Tout semblait irréel et inquiétant. Les quelques habitants qui apparaissaient aux fenêtres et dans la rue n'étaient que des taches sombres et informes.
Un épais manteau de brume recouvrait la ville ce jour-là, ainsi qu'un silence pesant et insolite. Tout semblait irréel et inquiétant. Les quelques habitants qui apparaissaient aux fenêtres et dans la rue n'étaient que des taches sombres et informes.
Les cloches de la cathédrale
sonnèrent les neuf heures du matin, et résonnaient encore plus gravement que
d'ordinaire. Quelques dévots s'y rendirent pour écouter le sermon de l'Évêque
aux teintes d'Apocalypse et de Jugement Dernier, et errèrent dans les jardins
en quête de paix de l'esprit. Ce sont eux qui donnèrent l'alerte.
Car c'est à cet instant que le
brouillard commença à se dissiper, et dévoila peu à peu une étrange scène. Ils
virent des formes sombres et immobiles. Elles avaient envahi la totalité des
jardins.
Ils s'approchèrent prudemment et
constatèrent qu'il s'agissait en réalité de statues. Elles étaient en bronze et
représentaient d'étranges personnages difformes aux visages émaciés, pourvus
d'orbites vides. Leur posture évoquait aussi bien des scènes de la vie courante
que des créatures fantastiques déchues. La statue la plus monumentale était
celle d'un ange aux ailes brisées.
Très vite la rumeur se répandit
dans toute la ville, puis dans le pays tout entier. Les curieux affluèrent,
puis au fil des mois laissèrent la place à des adorateurs voyant dans cette
apparition mystérieux un signe divin. Mais rien ne se passait. Les statues
étaient là, et c'était tout.
Plusieurs mois s'écoulèrent, et
les statues ne suscitèrent bientôt plus aucun intérêt aux yeux des gens. Ils
s'étaient accoutumés à leur présence, et les considéraient maintenant comme des
ornements, rien de plus.
Une nuit pourtant, un craquement
métallique se fit entendre. L'une des statues commençait à se fissurer, puis,
telle une chrysalide, libéra un être encapuchonné et tout de noir vêtu. Il
tomba à genoux et se recroquevilla quelques instants, avant de se redresser
lentement, puis regarda autour de lui. Il reconnut sans peine ses frères
et sœurs figés, et des larmes commencèrent à couler car il savait qu'il était
seul désormais.
Il parcourut les jardins et se
recueillit auprès de chaque statue. Il murmurait auprès des déités porteuses de
crânes sur lesquels il posait son front. Mais il n'obtint aucune réponse. De
désespoir, il tituba et tomba.
Il demeura à terre de longues
minutes, puis se releva et se remit en marche. C'est alors qu'il tomba nez à
nez sur la statue monumentale. Il s'arrêta net et la contempla. Son visage
s'illumina soudain.
Son habit, un linceul noir,
s'ouvrit en deux. Il se mit sur la pointe des pieds et il tendit les bras en un
simulacre d'envol angélique. Mais il ne bougea pas. Il éclata de rire et tomba
à nouveau, mais pas de désespoir. Il demeura à genoux, toucha le sol avec son
front et se recouvrit complètement avec ses ailes factices. L'aube commença à
poindre, et son linceul s'affaissa.
Un moine qui passait par là vit
le linceul. Il le souleva, et ne trouva en dessous que quelques éclats de
métal. Du bronze selon toute vraisemblance. Il regarda la statue monumentale et
vit des gouttes perler depuis ses orbites vides.
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