Apparition



Le parc de l’Évêché était hanté, ce n’était un secret pour personne.

Personne ne pouvait dire quand les premières apparitions avaient commencé. Mais tout le monde s’accordait sur une chose : de tout temps, le parc avait été le théâtre de tragédies sanglantes. Exécutions, assassinats, duels à mort. Il n’était donc pas étonnant que les murs de pierre qui entouraient le parc s’en imprègne, jusqu’à en suinter et libérer toute la souffrance de ces événements tels des réminiscences.

Tout le monde avait entendu parler du spectre de la jeune fille, et tout le monde savait qu’elle apparaissait aux premiers jours du printemps. De tous les fantômes qui hantaient le parc, elle était sûrement celle qui inspirait le plus de tristesse à qui la croisait et avait le courage de la suivre.

La scène était toujours la même. Elle apparaissait au pied de la cathédrale, les bras en croix et jouant avec les ombres en une parodie de crucifixion. Puis elle marchait d’un pas si léger qu’elle semblait danser avec le vent, telle une feuille. Elle errait, rêveuse, explorant chaque parcelle arborée, traversant la galerie des plantes, passant sa main d’un air distrait sur une branche de temps à autre, puis quittait l’enceinte du parc pour explorer les ruelles pavées de la Cité.


La rêverie laissait alors la place à un visage grave. Elle ne jouait plus avec les ombres, elle se fondait en elles. S’appuyant de temps à autre contre un mur recouvert de lierres, ils étaient attirés vers elle jusqu’à devenir des ailes. Les réverbères projetaient des ombres qui semblaient danser au passage du spectre. Les ombres et les lierres voulaient jouer avec elle, mais elle les ignorait.


Quel que soit le drame qui avait coupé le fil de sa vie, le lieu où cela s’était produit semblait être l’ancienne fontaine réputée être sans fond. A mesure qu’elle s’en approchait, une profonde mélancolie assombrissait ses traits. Elle se recueillait devant pendant de longues minutes, puis reprenait sa marche jusqu’à un réverbère non loin. Elle fixait la lumière, puis se fondait en elle jusqu’à disparaitre. Du moins, jusqu’au printemps suivant.

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