Les deux soeurs


Il roulait depuis des heures, et il commençait à faire nuit. Il regrettait de ne pas avoir pris la route plus tôt, et encore plus d’avoir pris les petites routes pour essayer de gagner du temps. Ce n’était pourtant pas la première fois qu’il faisait des longs trajets. 

Des années à prospecter les maisons de campagne pour vendre de l’électroménager, de la menuiserie et maintenant, des abonnements téléphoniques. Il savait que son métier était voué à disparaître avec le temps, et se considérait comme une relique des temps passés du monde de la vente. On se méfiait plus des hommes en costumes cravates que des jeunes à capuche de nos jours. 

La nuit le forçait à redoubler d’attention, la route était pire que ce à quoi il s’attendait. Bordée de chênes et de platanes centenaires, sa plus grande crainte était qu’une autre voiture arrive en face à grande vitesse car il y avait à peine assez de place pour deux voitures côte à côte. La réception de son autoradio devenait mauvaise, il entreprit de chercher une autre station radio afin de tromper la fatigue par le biais de la musique. 

Il quitta la route des yeux une seconde, quand il aperçut furtivement une forme blanche traverser en toute hâte. Il pila par réflexe et se retrouva face à un arbre, le choc avait été évité de justesse. Il regarda dans son rétroviseur et vit quelque chose. 

C’était une jeune fille, toute de blanc vêtue. Elle gisait sur la route et ne bougeait plus. 

Il se figea d’effroi plusieurs secondes, mais se reprit et sortit pour tenter de lui porter assistance. Il arriva à mi-chemin entre elle et sa voiture quand une seconde jeune fille apparut depuis le bord de la route. Elle se pencha au-dessus de l’autre, ses longs cheveux recouvraient son visage mais il discerna une pâle lueur venant de l’un de ses yeux éclairés par les phares de sa voiture. Elle le regardait et pointait un doigt accusateur dans sa direction. 

 Pris de panique, il remonta dans sa voiture et démarra en trombe. Il ne savait pas où il allait, mais une terreur s’était emparée de lui. Ce n’était pas la peur d’un acte répréhensible qui pensait avoir commis, mais une peur bien plus fondamentale, la peur de ce que l’on peut rencontrer la nuit ou trouver sous son lit ou dans son placard. Il savait que ce qu’il venait de voir n’était pas normal, son instinct le lui hurlait. 

Il avait parcourut plusieurs kilomètres lorsqu’il vit sur le bord de la route la jeune fille qu’il pensait avoir renversé, il la reconnut sans peine. Son visage d’un blanc laiteux et ses cheveux noirs s’étaient bien imprimés dans son esprit, il savait qu’il ne l’oublierait jamais. Elle se tenait là, et le regarda droit dans les yeux lorsqu’il passa à sa hauteur. 

Il avait l’impression d’être dans un cauchemar, il la vit disparaître lorsqu’il s’engagea dans un virage mais il s’écoula quelques minutes avant qu’elle n’apparaisse à nouveau sur le bord de la route. Cette fois, elle désigna du doigt quelque chose qu’il n’eut pas le temps de voir car il accéléré sur l’effet de la panique. C’était un cauchemar pensa-t-il, et il allait se réveiller d’un instant à l’autre. Pendant de longues minutes elle n’était plus apparut, et il se calma peu à peu. 

 Un mouvement furtif à l’arrière de la voiture attira son attention, et il se tourna. Il ne vit rien. Sans doute son imagination. Il n’avait qu’une hâte, rentrer chez lui. 

C’est alors qu’il vit sur le rétroviseur le visage de la seconde jeune fille, et il pu clairement voir la colère dans son visage à moitié dissimulé par ses cheveux et une lueur surnaturelle briller au fond de son œil. 

 « Assassin ! » hurla-t-elle. 

Il perdit le contrôle de son véhicule et alla percuter un platane. Juste avant le choc, il vit la jeune fille s’évanouir dans les airs. 

Il gisait par terre. Le choc avait été tellement violent qu’il fut éjecté de sa voiture. Il sentit le froid engourdir ses membres et l’envahir de plus en plus. Les deux sœurs étaient là, elles se tenaient face à lui, silencieuses. 

 La dernière chose qu’il vit avant de s’éteindre était leur regard luisant à la lumière de la lune alors qu’elles s’avançaient vers lui les bras tendus. 

Commentaires

Articles les plus consultés