Lydia

Plus aucune musique ne résonnait dans la maison des Maitland. Un silence s’était définitivement abattu comme une chape de plomb, et pour cause. Plus personne ne hantait ces lieux. Le sursis de 125 ans avait été levé pour eux, ils avaient rejoint définitivement l’autre monde pour s’être pris d’affection pour Lydia. Une faute grave, car aucun lien de devait être tissé avec les vivants. 

La mélancolie de naguère était revenue dans le cœur de Lydia. Elle s’y était replongée à corps perdu, elle était seule pour de bon. Au bout de quelques jours, elle se décida enfin à sortir d’entre ces murs vides et silencieux, accompagnée de son appareil photo. Ses pas la menèrent tout naturellement au cimetière. Elle déambula dans les allées pendant des heures, capturant inlassablement des images, accumulant les clichés et chargeant et déchargeant les pellicules avant de s’arrêter et de se reposer sur l’une des plus anciennes tombes. 

Ses yeux se perdirent dans le vague. Un croassement tout proche l’arracha brutalement de sa rêverie, et elle regarda en direction de l’oiseau. Il était perché sur une pierre tombale recouverte de mousse, et regardait dans sa direction. Dans son bec, un médaillon en argent qui accrocha un reflet de manière fugace, et éclaira son visage. Le corbeau s’envola et se posa plus loin, sur le toit d’une chapelle condamnée depuis des années, dont la porte semblait entrouverte. Le corbeau posa son butin et regarda en direction de Lydia. Elle ne put résister à cette invitation. 

Elle entra donc à l’intérieur de la chapelle. Une odeur de renfermé et de moisi lui sauta au visage et elle ne put réprimer un haut-le-cœur. Elle attendit quelques minutes avant d’entrer. 

La chapelle était abandonnée depuis la mort du dernier prêtre, qui s’était suicidé. Le bruit courut qu’il s’était adonné à l’invocation des morts, et que les fantômes qu’il avait appelé ne cessaient de le hanter, ce qui lui fit perdre la raison et la vie. 

Il n’y avait ni bancs ni confessionnal. Le crucifix gisait par terre, en morceau. Le visage du Christ tourné vers le toit était à moitié recouvert de moisissures et de mousse. Dans une cavité à même le mur, elle vit quelque chose de familier : un exemplaire du livre pour personne récemment décédée. La couverture était racornie et l’illustration partiellement effacée mais elle le reconnut sans peine. 

Elle le prit et se mit à le feuilleter frénétiquement. Un espoir fou semblait renaître en elle. Elle allait enfin revoir ses amis disparus. Elle allait enfin pouvoir danser. Cependant il y avait quelque chose de différent dans ce livre. Il y avait un chapitre de plus que dans son souvenir. À mesure quelle le lisait, la terreur se dessinait sur son visage. Elle comprit que les transgresseurs n’étaient pas seulement parmi les morts. 

Elle jeta le livre à l’autre bout de la chapelle, et une ombre apparut presque immédiatement après qu’il eut touché le sol. Elle grandit, et se mit à virevolter dans la chapelle telle un monstrueux oiseau de cauchemar. Lydia agita les bras pour le chasser, l’ombre se rapprochait de plus en plus d’elle, et se déplaça de plus en plus vite. Tout à coup elle se posa devant elle. Quelque chose prit forme, et émergea de l’ombre. Il se tenait devant elle, et la domina de toute sa hauteur. Lydia le reconnut, et poussa un hurlement. Puis se fut le silence. 

Le lendemain, le fossoyeur maugréa en voyant que la porte de la chapelle était ouverte. Il trouva un appareil photo posé sur l’autel. Il le prit avec lui, et referma la porte.

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