La Poupée Oubliée

Elle était un simulacre de vie, une poupée, rien de plus. Son créateur l'avait laissé là, sans aucun état d'âme. Une création sacrifiée.

Autrefois adulée, une réplique parfaite de celle qui fut l'amour de sa vie. Mais ce n'était qu'une enveloppe froide, inerte, vide. Le temps avait adoucit sa peine, mais la vision de la Poupée lui devenait insupportable.

 Un malaise inexprimable l'avait étreint lorsqu'il la posa à terre. Une pensée folle s'insinua en lui, le commandant de l'attacher là où il l'avait abandonné. Il ne put se défaire de ce malaise indescriptible, quand il avait plongé son regard dans les yeux vides de son œuvre.

Empli de honte, il s'éloigna rapidement et disparut.

La nuit tomba, et la lune éclaira le visage de la Poupée. Un rayon seulement.

La Poupée trembla soudain, s'agitait de plus en plus frénétiquement, un automate au mécanisme remonté par un acte de magie pure. Elle se libéra de ses liens, et se mit debout en un instant.

Ses membres s'actionnèrent, raides, gauches. Elle tourna la tête, découvrant le monde, cherchant son chemin. Elle avança droit devant elle.

Sa poitrine se souleva en une parodie de respiration. Se faisant, des fissures apparurent. Mais elle n'en avait cure. Une vie s'était emparée d'elle. Une vie qui dépassait son corps.

Un étang. Ses pieds plongèrent dans l'eau glacée, un frisson parcourut son corps. Une émotion se grava sur son visage impassible, la surprise. L'émotion laissa là aussi des fissures.

La volonté s'étiolait de plus en plus, à mesure qu'elle avançait. La vie commençait à se dissiper. La Poupée ralentit sa marche, puis s'affaissa.

Elle ne bougea plus.