Fragile


Elle pensait être à l’abri, cloîtrée derrière ces murs blancs et lisses. Aucun bruit ne perturbait la monotonie de son sanctuaire d’ivoire, aucun pas ne résonnait plus dans son monde. Elle fuyait le monde véritable depuis très longtemps, et avait décidé de vivre en recluse, avec pour seule compagnie son chat et ses souvenirs.

Dehors lui faisait peur. Trop de souvenirs, de visages hostiles, de blessures et de plaies ouvertes. Pour elle, les rues n'étaient que des cloaques où grouillaient des monstres informes et vils. Elle ne cessait de voir suinter leur vices hors d'eux, hors des murs, hors du monde. Dans un hurlement, elle fuit et ne revint plus.

Elle avait enfermé tous ces souvenirs et tous ces cauchemars en elle, tel un cadavre dans un coffre. Quand ils remontent à la surface en grattant, elle se roule en boule des heures durant. Ils essaient de la happer, de la ramener à eux et de l'enfermer, mais elle résiste tant bien que mal. Les murs semblent rétrécir, leur couleur virer au gris. Puis plus rien.

Chaque jour qui passe la rapproche un peu plus de la folie, la flamme de ce qui lui reste de raison vacille et s'atténue au fur et à mesure. Elle fait ce qu'elle peut pour rester lucide, mais la solitude a un prix.

Un craquement se fait soudain entendre tout autour d'elle. Tout se met à tourner très vite, tout s'accélère. Elle perd pied, et a brutalement la sensation de s'asphyxier. Elle ne veut pas tomber, elle ne veut pas se briser. Elle se débat de plus en plus vite, gesticule dans tous les sens, puis s'effondre.

Son chat vient auprès d'elle. Poussant un léger miaulement, il renifle son visage et s'en va gratter à la porte frénétiquement.

Elle revient à elle, et s'assoit en position fœtale. Elle ne dit rien. Une ombre s'élève au-dessus d'elle et disparait. Les cauchemars sont partis.

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